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J’ai vu la misère de mon peuple…

nuit-debout«J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Égypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des chefs de corvée. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de cette terre vers une terre spacieuse et fertile, vers une terre ruisselant de lait et de miel… (livre de l’Exode, 3)
Quelles sont nos « Egypte » aujourd’hui, nos terres d’esclavages ? Qui sont les « Égyptiens » qui oppressent et déshumanisent ? Qui sont les « Moïse » qui se lèvent pour libérer le peuple opprimé ?

Les événements de ces dernières semaines laissent s’exprimer de plus en plus de violences. Les Médias, semblent crier « haro sur le baudet » d’une manière si unanime qu’à la longue on ne peut que confirmer, pour la plupart, leur collusion avec le pouvoir en place pour « faire porter le chapeau » sur quelques casseurs, tenter de maintenir un système qui ne tient que par la force et justifier les revenus de ces magnats de la presse ou leur position dominante d’une manière provocante.
C’est vrai qu’il y a des manifestants poussés à bout. Ils sont découragés, dépités, exaspérés, usés de n’être pas entendus et respectés dans leur dignité d’hommes et de femmes. Certains de leurs actes sont inqualifiables et inadmissibles. Mais à qui la faute ?
Alors, tentons de regarder de plus près d’où vient la véritable violence …
Je suis étonné de voir combien le gouvernement jette de l’huile sur le feu par ses déclarations, ses prises de positions, sa répression policière (flicage, bavures), son autisme, son obsession sécuritaire (la chasse aux migrants !) son état d’urgence (sauf, bien sûr, pour les jeux, ceux du Tour de France et du Mondial de football), son déni de démocratie, son refus de dialoguer (si ce n’est par secteurs catégoriels pour mieux diviser), le pourrissement des situations, sa surenchère médiatique, son entêtement à faire passer des lois qui déshumanisent pour soi-disant « sauver l’économie », ses promesses non tenues …
A qui profite donc le maintien de cette situation et ce renforcement de la répression qui n’indigne même plus la société civile, à part quelques associations de défense des droits de l’homme ou humanitaires ?
On sait déjà que La Crise est volontairement entretenue et que nous n’en sortiront jamais, car c’est dorénavant le mode de fonctionnement planétaire de l’économie.
Le pouvoir politique aujourd’hui est aux abois et se trouve condamné, sauf à modifier les règles du jeu, à suivre les injonctions des pouvoirs économiques et financiers européens et mondiaux.
Politiques, Banques, Médias, Multinationales, décideurs européens « travaillent » alors de concert pour maintenir le système le plus longtemps possible et déployer leurs propres acquis au détriment des peuples et des citoyens qui tentent dans leur grande majorité de manifester d’une manière pacifique s’ils n’étaient poussés à des extrêmes par des pyromanes.
C’est ainsi le mode de fonctionnement de tous les pouvoirs en place, à de rares exceptions près. Il suffit de relire le cours de l’Histoire de notre pays de tous temps et celles des autres peuples (Brésil ces temps-ci) pour s’en convaincre.

La violence actuelle ne serait-elle donc pas aussi et surtout celle de l’Etat ?
Ses manières de faire ne participe-t-elle pas à une certaine forme de radicalisation de la violence et du désespoir et à leurs surenchères ?
stop-violences Isabelle Sommier explique dans La Vie que « la politique de maintien de l’ordre est en totale opposition avec les principes de désescalade pratiqués ailleurs en Europe. Au mieux, elle est contre-productive : au lieu d’isoler les « casseurs », elle contribue à radicaliser des manifestants étrangers à toute logique émeutière ; au pire elle va renforcer le basculement de pans entiers de la jeunesse – pas seulement celle des quartiers populaires –contre la police et donc potentiellement contre l’ordre républicain qu’elle incarne. »
La juriste Monique Chemillier-Gendreau, dans son livre publiée en 2013, De la guerre à la communauté universelle, s’attaque au cœur même de l’Etat républicain et à son concept clé : la souveraineté. « La souveraineté est un pouvoir qui n’a pas de pouvoir au-dessus de lui. Comme les princes au XIIéme siècle, chacun est empereur en son royaume : si les Etats sont souverains, aucune contrainte n’agit sur eux », résume-t-elle. Les rencontres internationales par exemple sont, pour elle, « à la fois l’incarnation spectaculaire des élites de la mondialisation, qui assument leur puissance et la mettent en spectacle, et l’un des nouveaux symboles de la violence étatique. Les Etats se sont institués en systèmes de pouvoir contraignants, plus soucieux de conforter leur ordre interne que de promouvoir le bien commun. »
Elle nous invite à aller au-delà des apparences. « La société nous fait croire que la démocratie, c’est la souveraineté. Or, les forums sociaux, les Indignés, etc. donnent à voir que nos Etats ne réalisent pas la démocratie. D’où le discours officiel : la police a été « forcée » d’intervenir, les opposants se sont « radicalisés » et menacent l’ordre…
Mais, comme le dit le philosophe Miguel Abensour, la démocratie, c’est le multiple ! Et le multiple, c’est l’infinité, l’irréductibilité des différences, et donc le conflit. Là, on annule le multiple, on mise tout sur l' »unité » de l’Etat, et on masque du coup la nouvelle division entre gouvernants et gouvernés, dominants et dominés. »
(cité dans Télérama de juin 2013 : la violence d’Etat dans nos démocraties)

Alors quand des Indignés, des membres de Nuit debout, des syndicalistes, des citoyens conscientisés entrent en résistance et tentent de nous ouvrir les yeux, ils nous interpellent sur ce après quoi nous courrons : de l’essence ? du confort ? une vie meilleure ? du pain et des jeux ? le moins de problèmes possible ?
Ils nous provoquent à sortir de nos futilités et de notre assoupissement.
Ces « résistants » nous disent « Réveillez-vous ». Pour que la fraternité soit l’avenir, ils nous appellent à la simplicité et la vérité des modes de vie, ils nous interpellent pour raison garder et ne pas succomber aux sirènes des mensonges et du chacun pour soi, ils nous poussent à la lucidité et au dialogue …
Partout dans le monde un Vent nouveau appelle à la fraternelle solidarité, à un vivre ensemble harmonieux pour tous et non pour quelques nantis.
Ce n’est pas un chemin de facilité, mais notre « bien-vivre » ensemble en dépend. Face aux violences multiples, cultivons l’unité dans la différence, la bonté, la musique, la poésie, la beauté, la solidarité…
N’est-ce pas là le moyen de faire nôtres ces paroles de l’Eglise dans Gaudium et spes de Vatican II :
« Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur… La communauté des chrétiens se reconnaît donc réellement et intimement solidaire du genre humain et de son histoire… »
Ajoutons, la communauté des chrétiens, disciples du Christ, oui ! Mais n’est-ce pas aussi la communauté humaine dans son ensemble, au delà des clivages religieux et politiques qui est concernée par la solidarité du genre humain et de son histoire… ? … en France comme partout dans le monde…
Xavier

En savoir plus :Le dialogue inattendu entre policiers et manifestants de Nuit debout
– (voir ici l’analyse de la Cimade de se qui se passe à Mayotte : prémonitoire ? )
– à propos de la collusion entre pouvoirs médiatique, politique et économique : les nouveaux chiens de garde, film de Serge Halimi; 80 mn

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Tenter de trouver avec notre prochain un terrain commun d’humanité
« Puissions-nous en ces moments entendre l’invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, à en faire, là où nous vivons, un monde plus chaleureux, plus humain, plus fraternel. Un temps de rencontre, avec des proches, des amis : un moment pour prendre le temps de vivre quelque chose ensemble. Un moment pour être attentif aux autres, quels qu’ils soient. Un temps de partage de notre amitié, de notre joie. [...] Un temps de prière, aussi : attentifs à ce qui se passera dans notre monde à ce moment- là. Prions pour ceux qui en ont le plus besoin, pour la paix, pour un meilleur vivre-ensemble. »
Père Jacques Hamel
dans le bulletin paroissial de l’église Saint-Étienne, en juin, avant son assassinat
La compassion est en train de quitter notre monde

" "A ceux qui se demandent quel sorte de manque ronge silencieusement nos sociétés, il faut répondre : la compassion. Cette sollicitude spontanée que les bouddhistes appellent la maitrise et qui est assez proche, au fond, de l'agapê des chrétiens.
Aujourd'hui, on a beau prendre la réalité contemporaine par tous les bouts, une évidence crève les yeux : la compassion est en train de quitter notre monde. A petits pas. Insidieusement. Or, avec la compassion, c'est le bonheur de vivre qui s'en va. Disons même la gaieté.
Nos rires deviennent tristes. Notre sérieux est navrant. Nos prudences sont moroses. Nos "fêtes" sont sans lendemain. Nos plaisirs sont boulimiques et plutôt enfantins. Tout se passe comme si la frénésie jouisseuse de l'époque cachait une sécheresse de cœur et une stérilité de l'esprit.
La gaieté véritable, celle que nous sommes en train de perdre, c'est celle de l'aube, des printemps, des projets. Elle se caractérise par une impatience du lendemain, par des rêves de fondation, par des curiosités ou des colères véritables : celles qui nous "engagent".
Cette vitalité joyeuse ne doit pas être abandonnée à la contrebande des amuseurs médiatiques ou des clowns politiciens."

Paroles partagées par Jean-Claude Guillebaud en conférence en 2015 à Briec-de-l'Odet (29).