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« Je me demande ce qui est en train d’arriver à l’humanité »

KozeDans son livre, « La Miséricorde », le Cardinal Walter Kasper reprend les trois degrés de la Miséricorde tels que proposés par Sr Faustine en 1937 (éditions EDB p. 145):
« … C’est toi qui m’ordonnes de m’exercer aux trois degrés de la miséricorde :
– le premier, l’acte miséricordieux, quel qu’il soit
. le second, la parole miséricordieuse -si je ne puis aider par l’action, j’aiderai par la parole;
– le troisième, c’est la prière. Si je ne peux témoigner la miséricorde ni par l’action, ni par la parole, je le pourrai toujours par la prière. J’envoie ma prière même là où je ne peux aller physiquement… »


Cette invitation est remontée en moi à la lecture du poignant témoignage qui suit. L’homme qui écrit les lignes terribles ci-dessous s’appelle Ozan Köze. Il est photographe à l’AFP, en reportage sur les côtes de Turquie où s’échouent des milliers de réfugiés…
Je suis sûr que devant notre impuissance, la nôtre, celle des politiques et celles des décideurs, nous saurons communier en acte (dons financiers) en parole (faire suivre ce témoignage) et en prières (prendre du temps pour méditer ce terrible constat).
Loin de moi de vouloir distiller mes angoisses : l’enjeu n’est pas là. Il nous faut connaître les réalités sordides de notre monde aujourd’hui…. non pour s’y complaire; mais pour réagir et lutter avec nos moyens (actes, paroles ou prières). Pour que, face à la folie des hommes, des îlots de paix, de fraternelle communion, et de solidarité effective fleurissent un peu partout… et d’abord dans notre cœur.
Xavier

ANAKKALE (Turquie), 1er février 2016
Quand j’arrive sur la plage de galets, le premier cadavre que je vois est celui d’un bébé. Il doit avoir neuf ou dix mois, il est chaudement couvert et porte un bonnet. Une tétine orange est accrochée à ses habits. A côté de lui gisent un autre enfant, âgé de huit ou neuf ans, ainsi qu’une adulte, leur mère peut-être.
oze2Sur le moment, je ne sais pas quoi faire. Je prends quelques photos. Je parcours la plage, je vois le corps d’un autre enfant sur un rocher. Par la suite je ferai des cauchemars, je serai durant des heures incapable de parler, mais à cet instant je ne ressens rien de particulier. Les gendarmes turcs sont occupés à ramasser d’autres noyés échoués sur la plage après le naufrage de la nuit précédente. Il y a tellement de cadavres… Je n’arrive pas à les compter….
Pour le moment personne ne s’occupe du bébé mort. Alors, je reviens vers lui et pendant peut-être une heure, je reste à ses côtés, en silence. J’ai deux enfants, une fille de huit ans et un petit garçon de cinq mois. Je me demande ce que je ferais si ce bébé était à moi. Je me demande ce qui est en train d’arriver à l’humanité…
…Au moment où j’arrive à la base, une navette vient d’accoster. Des corps enveloppés dans des housses en plastique sont en train d’être débarqués. J’en compte une dizaine. Il y a de nombreux rescapés aussi, dont beaucoup de femmes et d’enfants. Je m’approche. Ils viennent de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan, mais aussi de Birmanie et du Bangladesh. Ils sont en état de choc. Ils me racontent qu’il faisait beau, que la mer était calme, mais qu’ils étaient beaucoup trop nombreux sur le bateau. C’était une petite embarcation conçue pour promener les touristes, et dont la capacité est de vingt ou trente passagers au grand maximum. Quand elle a sombré, plus de cent migrants s’entassaient à bord. Chacun avait payé 1.200 euros aux passeurs…
… Au cours de ma carrière de photojournaliste, j’ai couvert des crises, des émeutes, des attentats. J’ai déjà vu des morts. Mais ça, c’est pire que tout.
En regardant ce petit corps, je me demande pourquoi tout cela. Pourquoi cette guerre interminable en Syrie. Je suis fou de rage contre tous ces politiciens qui ont causé cette tragédie, contre les passeurs qui envoient tant de gens à la mort.
Puis un gendarme arrive, soulève l’enfant et le dépose dans un sac en plastique. Lui aussi il pleure.


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Tenter de trouver avec notre prochain un terrain commun d’humanité
« Puissions-nous en ces moments entendre l’invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, à en faire, là où nous vivons, un monde plus chaleureux, plus humain, plus fraternel. Un temps de rencontre, avec des proches, des amis : un moment pour prendre le temps de vivre quelque chose ensemble. Un moment pour être attentif aux autres, quels qu’ils soient. Un temps de partage de notre amitié, de notre joie. [...] Un temps de prière, aussi : attentifs à ce qui se passera dans notre monde à ce moment- là. Prions pour ceux qui en ont le plus besoin, pour la paix, pour un meilleur vivre-ensemble. »
Père Jacques Hamel
dans le bulletin paroissial de l’église Saint-Étienne, en juin, avant son assassinat
La compassion est en train de quitter notre monde

" "A ceux qui se demandent quel sorte de manque ronge silencieusement nos sociétés, il faut répondre : la compassion. Cette sollicitude spontanée que les bouddhistes appellent la maitrise et qui est assez proche, au fond, de l'agapê des chrétiens.
Aujourd'hui, on a beau prendre la réalité contemporaine par tous les bouts, une évidence crève les yeux : la compassion est en train de quitter notre monde. A petits pas. Insidieusement. Or, avec la compassion, c'est le bonheur de vivre qui s'en va. Disons même la gaieté.
Nos rires deviennent tristes. Notre sérieux est navrant. Nos prudences sont moroses. Nos "fêtes" sont sans lendemain. Nos plaisirs sont boulimiques et plutôt enfantins. Tout se passe comme si la frénésie jouisseuse de l'époque cachait une sécheresse de cœur et une stérilité de l'esprit.
La gaieté véritable, celle que nous sommes en train de perdre, c'est celle de l'aube, des printemps, des projets. Elle se caractérise par une impatience du lendemain, par des rêves de fondation, par des curiosités ou des colères véritables : celles qui nous "engagent".
Cette vitalité joyeuse ne doit pas être abandonnée à la contrebande des amuseurs médiatiques ou des clowns politiciens."

Paroles partagées par Jean-Claude Guillebaud en conférence en 2015 à Briec-de-l'Odet (29).