Seule dans ma voiture l’autre jour, j’ai entendu la « boutade humoristique » – ce sont ses propres mots – de monsieur Devedjian : « Les Allemands nous ont pris nos juifs, ils nous rendent des Arabes. » J’ai poussé un cri horrifié. J’ai repensé à cette leçon de Jésus : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui rend l’homme impur, mais ce qui sort de la bouche, c’est ce qui rend l’homme impur. » Le poids des mots ! Voilà en tout cas une plaisanterie qui pour moi n’en est pas une, et j’ai beau faire, je reste horrifiée par ce qu’elle véhicule de négation de la souffrance.
Dans cette époque agitée qui est la nôtre, la tentation des petites phrases est grande, au cœur du tohu-bohu médiatique, le besoin d’être vu, connu, reconnu (élu ?) conduit à la surenchère. Il y a donc ceux qui parlent, à tort et à travers parfois.
Et, Dieu merci, il y a ceux qui agissent. L’urgence nous presse de toute part. Il est temps. Les appels de nos Églises se multiplient, émanant de la FPF, de nos conseils régionaux, du pape. Les champs d’action sont circonscrits : l’urgence est à la sauvegarde de la création, l’urgence est à l’accueil des défavorisés, sans distinction. Et les initiatives fleurissent : assises chrétiennes de l’écologie à Saint-Étienne en août, qui ont réuni 2 000 personnes, autour d’un contenu, de l’aveu même d’une participante, d’une grande richesse, d’une grande variété, d’une grande spiritualité.
Ne plus tergiverser
Et des communes qui se mobilisent pour accueillir des migrants, avec des retombées heureuses inattendues, ici une école qui ne fermera pas, un village redynamisé. Là, un monastère désaffecté qui, en 24 heures, a pu être remis sommairement en état, et équipé de 80 lits. Ailleurs, des gens se rassemblent, de tous horizons, confessionnels ou non, avec le désir de faire quelque chose.
L’urgence nous pousse, l’urgence nous met debout, c’est l’heure du choix. Un choix aussi radical que celui que pose Dieu dans le Deutéronome : « J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie, afin que tu vives, toi et ta descendance. » Il s’agit de choix qui engagent notre postérité. C’est fondamental à entendre.
Pourtant dans ce maelström d’émotions qui m’agite depuis quelques mois, une graine d’espérance est profondément enracinée dans mon cœur. Car, dans l’urgence de si belles choses ont été accomplies au cours des âges, dont nous goûtons encore les fruits : des réveils sociaux dans nos Églises ont été porteurs de grandes réalisations en œuvrant auprès des plus petits, comme l’Armée du Salut, la Fondation John-Bost, la Cimade et j’en passe.
L’urgence est là. Il nous faut choisir. Il n’est plus temps de tergiverser. Le passage du Deutéronome cité plus haut se poursuit ainsi : « En aimant le Seigneur, ton Dieu, en l’écoutant et en t’attachant à lui. » Et un certain Jésus de Nazareth accrochait solidement entre eux l’amour de Dieu et l’amour du prochain. L’un n’irait donc pas sans l’autre ? Il n’est plus temps de se poser douillettement la question. Il est temps de témoigner, en action.
Et parce que je ne vois pas de meilleure manière de vaincre la peur qui nous étreint devant le flot qui se presse à nos portes que de l’anticiper : accueillerons-nous ces personnes, ces individus, ces êtres humains, ces prochains ? Avec des pierres ou avec des fleurs ?
Pour éviter cette submersion dont certain(e)s nous menacent, n’est-il pas plus que temps de choisir la vie ? Celle de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants, qu’ils soient déjà là, depuis longtemps ou non, ou encore à venir, car il n’y a pas à choisir entre les solidarités, c’est la raison pour laquelle nous nous devons de nous lever en masse, pour notre terre, pour nos frères et sœurs, en nous réjouissant d’avance, dans l’espérance d’un tel mouvement, de ce que la vie, alors, nous déversera, à foison, comme bénédictions. »
Marie-Odile Wilson
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