Color Selector

default niceblue intenseblue otherblue blue puregreen grassgreen green olive gold orange pink fuchsia violet red

Container Selector

Le Care

aide-soignanteLe care a fait son entrée en France sur les scènes de la réflexion philosophique et du débat politique et sociale depuis quelques années.
Peut-on ignorer cette démarche qui prend en compte cette composante essentielle pour Tabgha, à savoir la notion de compassion et de sollicitude ?
En tant que chrétiens et citoyens, comment notre foi et notre responsabilité sont convoquées dans cette démarche ?
Comment comprendre où s’origine la capacité à nous soucier d’autrui ?
D’où surgissent les conduites, individuelles et collectives, consistant à agir avec compassion et empathie pour répondre aux attentes de l’autre ?
En quoi un regard historique peut-il nous aider à mieux comprendre cette notion de Care ?

C’est aux USA qu’est née la pensée du care, dans les années 1980. La prise en charge effective se fait, le plus souvent par des femmes, souvent noires et issues des classes ouvrières et ce, auprès des personnes les plus vulnérables.
Le terme de « care » s’avère particulièrement difficile à traduire en français car il désigne à la fois ce qui relève de la sollicitude et du soin; il comprend donc l’attention préoccupée à autrui, issue d’une attitude personnelle intérieure, qui se concrétise dans des formes d’activité et de travail. Une part invisible qui se dit dans un visible concret.
Ce terme s’étend à toutes les sphères de notre vie : personnelle (« care domestique »), professionnelle (dans le cadre hospitalier notamment), sociale et politique. Il concerne aussi bien le souci de soi que celui d’autrui ou du monde, pour peu que nous admettons que nous sommes tous vulnérables, car dépendants de nos semblables pour survivre.
Pratiquer le care, c’est trouver le geste, le regard, le mot juste pour répondre aux besoins des autres ; c’est parvenir à exprimer de la compassion, de la sollicitude, du respect.

Cà, beaucoup connaissent ! Alors quelle nouveauté apporte le Care ? En quoi diffère-t-il des notions de solidarité, de fraternité, de justice sociale, de compassion ?
aide-soignantEn ceci que le care permet, ou devrait permettre, de revenir à ce qu’il y a de plus fondamental dans notre rapport à l’autre. Cette notion part du présupposé que nous sommes tous vulnérables, car dépendants de nos semblables pour survivre.
C’est une voix morale, à l’intime, pour le monde et qui appelle à la gratuité.
On devine toutes les conséquences , historique, sociale, politique, et éthique qu’il porte donc.
Ce n’est donc pas seulement une question d’ordre moral ou « religieux » , car il touche tous les aspects de notre vie quotidienne dans ce qu’elle a de plus ordinaire, tant dans nos relations que dans notre for intérieur.

Nos agirs méritent ce recul et cette réflexion : Quelle est la nature des sentiments moraux qui sous-tendent les pratiques de care ? Compassion ? sympathie ? altruisme ? pitié ? amour du prochain ?
Il y a bien des représentations aussi diverses qu’il y a d’hommes et de femmes qui peuvent et doivent nous interroger sur la nature du lien, de sens de l’altérité qui nous poussent à agir avec compassion.

Les pratiques de care sont politiques dans la mesure où elles posent la question de leur articulation aux libertés publiques et privées, aux droits et à la justice.
Est-ce pour cela que cette pratique à été inventée par des personnes, en majorité des femmes, qui sont pour la plupart en bas de la hiérarchie sociale : nourrices, auxiliaires de vie, infirmières, aides-soignantes… par des personnes donc, en position sociale subalterne et souvent considéré traditionnellement comme une disposition morale dépréciée ou une activité socialement dévalorisée…
Les pratiques du care sont également sociales car elles vont à contre courant du discours sociétal dominant qui prône, réussite, valorisation de soi, autonomie. Il interroge chacun et les responsables sur la place et la prise en charge des personnes dépendantes, âgées… Il est donc d’une grande actualité pour les années à venir avec le papy-boom annoncé.
En Tabgha cette notion et cet agir nous interroge car il met en avant le vécu de vulnérabilité et de pauvreté inhérente à toute vie humaine. Elle interpelle sur la nécessaire « humilité » et « pauvreté » inhérente à cette démarche.
Nous le constatons, il y a aujourd’hui toutes sortes de violences dans le monde et dans notre société. La plus insidieuse, ne serait-ce pas celle de l’indifférence hautaine et du « je m’en foutisme » qui touche d’une manière profonde notre vivre-ensemble ? C’est le lien de notre vivre-ensemble qui est atteint et qui menace sa stabilité et sa cohésion. Et nous voyons déjà les fissures qui menacent de le faire éclater.
Le Care est aussi une activité de l’ « ici et maintenant » qui prend en compte le contexte et non une vision idéalisée d’un monde solidaire et fraternel. Il prend en compte la personne telle qu’elle est et non comme nous aimerions qu’elle soit ou qu’elle devienne.
Affaire de sensibilité, bien féminine, ceci dit, non pour se gausser, mais pour montrer combien cette attitude née de femmes qui appréhendent le monde et les personnes, est bien différentes de celle des hommes. Elles le font dans l’immédiateté face à des vulnérabilités qui ne peuvent attendre. Gratuitement avons nous écrit plus haut, avec humanité, …. Et elle peut interroger tout être, donc les hommes, dans la part féminine qui les constitue, qui les appelle à grandir dans cette attitude d’ouverture et de don.

asEn quoi cette attitude est-elle subversive ?
Parce qu’elle pointe avec acuité des fonctionnement qui dérangent sur les plans politiques, professionnels et sociaux : En effet, c’est une activité avec un côté perçu comme pénible, usant, déstabilisant, générant souvent agressivité. L’engagement dans ce travail du care participe directement du maintien ou de la préservation de la vie de l’autre. On peut le voir dans certains engagements (auprès des migrants par exemple, à Calais ou en Grèce ou dans les urgences des hôpitaux) .
Il y a comme une épreuve dans cette confrontation avec la souffrance des autres qui procure peu de reconnaissance et de valorisation (personnelle ou sociale) .
C’est dommage, car les pouvoirs publics surfent sur cette « bonne volonté » : Les régulières manifs des infirmières (pour une meilleure reconnaissance financière et professionnelle) nous rappellent combien leur investissement physique, psychique et affectif est onéreux et source de burn-out.
Tous les professionnels sont pourtant au cœur d’une prise en charge nécessaire et indispensable qui devrait être reconnue à sa juste valeur. Mais on devine les conséquences politiques de cette reconnaissance de soins « au service de la personne ». Elle déborde sur la manière de prendre en charge les personnes vulnérables : Qui ? dans quel degré de dépendance ? quel type de soins ? Il y a là un enjeu de justice sociale.
Comment la concilier avec la nécessaire sollicitude pour les plus fragiles ? Pour certains, comme Ricœur, cet engagement, d’un point de vue social, peut être le moyen de redonner de l’autonomie réelle c’est-à-dire des capabilités à une personne ou un groupe de personnes qui, à un moment donné, provisoire en reconnaissant que les personnes peuvent être à la fois vulnérables et capables.

Ainsi le care devient une belle manière de préserver la vie, au sein d’un monde de meurtres et de violences. Il appelle chacun et collectivement à se vivre pleinement homme et femme en développant cet agir de compassion qui est constitutif de notre être profond.
Notre société est porteuse de « mondanités » et de paraître qui nous déconnecte de notre identité profonde . Le care nous invite à nous poser dans ce lieu « secret » de nous, essentiel, originaire qui nous rebranche dans notre véritable humanité : le « lieu du Père » en nous qui est un lieu de filiation et donc de fraternité ; un lieu qui nous apprend à grandir en humanité.
N’est-ce pas l’enjeu crucial de notre monde aujourd’hui : « prendre soin » de l’autre : le chômeur, le migrant, la victime du climat, de l’ostracisme, de la préservation de la Vie en nous et autour de nous …?
C’est ainsi que ce nous disions plus haut du côté parfois pénible et agressif de cet engagement trouvera sens : dans la dignité retrouvée d’un engagement aussi vrai que beau qui fait grandir son acteur parce qu’au service de l’homme, de la vérité qui le meut, en lien avec la Vie qui le porte. Cette fidélité à soi-même et aux autres nous rend cohérents avec nous-mêmes malgré les aléas et les formes de mépris qui peuvent surgir.
Elle proclame à temps et contretemps, que prodiguer avec humanité ces attentions compassionnelles dit que La Vie est « gagnante » que l’humanité est belle et que pour celui qui prodigue ce care comme pour celui qui le reçoit, le lien fraternel, enraciné dans une Filiation vraie, peut sauver le monde.
Elle manifeste le caractère collectif et solidaire de cet engagement pour ne pas s’épuiser dans un « prendre soin » solitaire et pour faire « bouger les choses » et faire advenir d’autres modes de références et de valeurs dans notre société. Le bonheur de chacun passe par celui des autres. Cet engagement altruiste et parfois exigeant et douloureux ne serait-il pas le chemin de notre plénitude d’hommes et de femmes ?
Merci à ces féministes avant l’heure, simples et cohérentes avec elles-mêmes, aux prix de bien des humiliations, de nous montrer le chemin à poursuivre…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Tenter de trouver avec notre prochain un terrain commun d’humanité
« Puissions-nous en ces moments entendre l’invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, à en faire, là où nous vivons, un monde plus chaleureux, plus humain, plus fraternel. Un temps de rencontre, avec des proches, des amis : un moment pour prendre le temps de vivre quelque chose ensemble. Un moment pour être attentif aux autres, quels qu’ils soient. Un temps de partage de notre amitié, de notre joie. [...] Un temps de prière, aussi : attentifs à ce qui se passera dans notre monde à ce moment- là. Prions pour ceux qui en ont le plus besoin, pour la paix, pour un meilleur vivre-ensemble. »
Père Jacques Hamel
dans le bulletin paroissial de l’église Saint-Étienne, en juin, avant son assassinat
La compassion est en train de quitter notre monde

" "A ceux qui se demandent quel sorte de manque ronge silencieusement nos sociétés, il faut répondre : la compassion. Cette sollicitude spontanée que les bouddhistes appellent la maitrise et qui est assez proche, au fond, de l'agapê des chrétiens.
Aujourd'hui, on a beau prendre la réalité contemporaine par tous les bouts, une évidence crève les yeux : la compassion est en train de quitter notre monde. A petits pas. Insidieusement. Or, avec la compassion, c'est le bonheur de vivre qui s'en va. Disons même la gaieté.
Nos rires deviennent tristes. Notre sérieux est navrant. Nos prudences sont moroses. Nos "fêtes" sont sans lendemain. Nos plaisirs sont boulimiques et plutôt enfantins. Tout se passe comme si la frénésie jouisseuse de l'époque cachait une sécheresse de cœur et une stérilité de l'esprit.
La gaieté véritable, celle que nous sommes en train de perdre, c'est celle de l'aube, des printemps, des projets. Elle se caractérise par une impatience du lendemain, par des rêves de fondation, par des curiosités ou des colères véritables : celles qui nous "engagent".
Cette vitalité joyeuse ne doit pas être abandonnée à la contrebande des amuseurs médiatiques ou des clowns politiciens."

Paroles partagées par Jean-Claude Guillebaud en conférence en 2015 à Briec-de-l'Odet (29).