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Sourds ? Muets ? Aveugles ?

3singesPeut-être n’avons nous pas été assez attentifs. Plusieurs fois déjà le Pape François a parlé de « troisième guerre mondiale ».
Ainsi, au lendemain des attentats du 13 novembre, répondant à un journaliste de la télévision des évêques italiens qui l’interrogent à propos de la justification religieuse des attentats, il utilise l’expression : « morceau de troisième guerre mondiale ». Il avait tenu ces mêmes propos en revenant de Corée en septembre 2014 et lors d’une homélie dans un cimetière militaire où il rendait hommage aux victimes de 14-18 : « Aujourd’hui encore, après le deuxième échec d’une autre guerre mondiale, on peut, peut-être, parler d’une troisième guerre mondiale combattue « par morceaux », avec des crimes, des massacres, des destructions… »
Aurions-nous des yeux qui ne voient pas ? des oreilles qui n’entendent pas ? Je suis frappé de voir s’ancrer ces attitudes dites des « trois singes » , comme dans la photo ci-contre : « ne rien voir, ne rien entendre … » quand à la troisième « ne rien dire », là, par contre, qu’est-ce qu’on peut causer ! et en écrivant ces mots, je m’interroge sur le bien fondé et la justesse et profondeur de ce que je voudrais moi-même partager dans ces lignes.
« Malheureuse es-tu Jérusalem, tu n’as pas su aujourd’hui comment trouver la paix. Hélas ! Maintenant, tes yeux n’ont pas voulu voir. »(Luc 19-41)

Cette « troisième guerre mondiale » qui sévit aujourd’hui frappe jusqu’à nos portes par le biais du terrorisme, des migrants, de la déconfiture économique, de la déstabilisation politique. Cette guerre dont on ne veut pas voir les conséquences, et qui nous enferme dans une attitude de victimes (ah, malheureux que nous sommes avec ces migrants qui viennent voler notre pain et notre travail !) , cette guerre est bien réelle et nous en sommes en grande partie les initiateurs criminels.

3eme-guerre-mondialeMais qu’est-ce qui se passe dans la tête des personnes ?
Que ce soit aux USA, avec des primaires de bas étage, au Brésil, dans la course au pouvoir par le plus corrompu, en Allemagne plongée dans son égoïsme de vieux, en Israël qui bafoue les droits humains les plus élémentaires, en Europe qui entretient des cul-de-sac à Calais, en Macédoine, en Grèce et ailleurs, plongeant dans le désespoir absolu des milliers d’être humains …, en France qui met la démocratie en berne, écrase les libertés civiles, instaure la force, la violence, le mépris comme principes relationnels, dans tous ces pays en guerre : Irak Syrie, Soudan, Mali, Afghanistan…
. Et, partout, les médias qui entretiennent le futile, le superficiel, le faux, l’omission, la désinformation … On nous rabâche par exemple de « la crise » et qu’on va en sortir. Quand allons-nous comprendre qu’elle est systémique et qu’elle est volontairement entretenue pour continuer à faire fonctionner le système libéral actuel ?
« Les drapeaux, les chants patriotiques, la déification du guerrier et les balivernes sentimentales noient la réalité. Nous communiquons à l’aide de clichés creux et insensés, d’absurdités patriotiques. La culture de masse sert à renforcer le mensonge selon lequel nous sommes les vraies victimes. … Nous sommes les seuls à avoir le droit de vengeance. Nous sommes hypnotisés et plongés dans une somnolence commune, un aveuglement orchestré par l’État. » nous dit Christopher Hedges (voir ici)
Et partout, sans barguigner, les foules, « qui errent comme des brebis sans berger », se coulent derrière celui qui crie le plus fort, celui qui promet et qui ne tiendra pas, celui qui prône fermeté, force et ordre et qui ne seront établis que pour protéger et avantager le plus petit nombre, toujours plus privilégiés…

Que manque-t-il donc à notre monde ?
Face aux massacres sans raisons, aux déportations inutiles de migrants dans des camps, « notre façon de penser devient folle » disait le Pape. Et nous arrivons à nous satisfaire que ce coup-ci ou cette fois là, il n’y a « que » 20 ou 30 morts, ou « que » 3500 péris en mer Méditerranée…
Nous diabolisons l’autre, le frère. Engoncés dans nos certitudes et notre superbe nous ne nous posons même plus les questions essentielles, morales, éthiques ou spirituelles … Oui, que faisons-nous de notre frère ?
Face au système économique, à la recherche effrénée du profit, aux vendeurs d’armes, aux traités tel que Tafta, au cynisme qui règne en maître souverain, à la dérégulation tout azimut de tous les cadres sociétaux et économiques, prenons conscience que Dieu pleure si nous ne savons plus pleurer. Il pleure sur la Jérusalem qu’est le monde aujourd’hui.

Ressaisissons-nous. Nous pouvons (re)trouver le don des larmes et celui de la compassion. Comment ? Soyons porteurs de l’Espérance qui nous habite. Ne hurlons pas avec les loups. Prenons distance avec les va-t-en-guerre autour de nous. Gardons hauteur et lucidité face à ce qui se trame dans notre monde. Apaisons les peurs et les insécurités. Restons solidaires, fraternels et généreux, même si c’est exigeant. La généreuse et solidaire fraternité peut se décliner de multiples manières.
Et surtout, (re)trouvons un chemin d’unité intérieure toujours plus vrai, ou, si nous y sommes, apprenons à y demeurer. C’est le lieu de notre vraie humanité où se murmure les appels à la Paix, au Pardon, à la Bonté. Le seul lieu où s’ancre notre fraternité quand elle apprend à devenir des vrais Fils du même Père.
Et inversons positivement la maxime : «Ne pas voir le Mal, ne pas entendre le Mal, ne pas dire le Mal» :Celui qui suit cette invitation sera le serviteur du Beau, du Vrai et du Bien. … Et vivre l’abandon confiant, car Dieu pourvoit : « Ne vous inquiétez donc pas du lendemain car le lendemain aura soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine ».
Ce qui ne doit pas nous empêcher quand même d’être acteurs pour l’avènement d’un monde meilleur et d’être heureux en profondeur de voir combien des milliers de petites pousses œuvrent un peu partout en ce sens.
Xavier

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Tenter de trouver avec notre prochain un terrain commun d’humanité
« Puissions-nous en ces moments entendre l’invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, à en faire, là où nous vivons, un monde plus chaleureux, plus humain, plus fraternel. Un temps de rencontre, avec des proches, des amis : un moment pour prendre le temps de vivre quelque chose ensemble. Un moment pour être attentif aux autres, quels qu’ils soient. Un temps de partage de notre amitié, de notre joie. [...] Un temps de prière, aussi : attentifs à ce qui se passera dans notre monde à ce moment- là. Prions pour ceux qui en ont le plus besoin, pour la paix, pour un meilleur vivre-ensemble. »
Père Jacques Hamel
dans le bulletin paroissial de l’église Saint-Étienne, en juin, avant son assassinat
La compassion est en train de quitter notre monde

" "A ceux qui se demandent quel sorte de manque ronge silencieusement nos sociétés, il faut répondre : la compassion. Cette sollicitude spontanée que les bouddhistes appellent la maitrise et qui est assez proche, au fond, de l'agapê des chrétiens.
Aujourd'hui, on a beau prendre la réalité contemporaine par tous les bouts, une évidence crève les yeux : la compassion est en train de quitter notre monde. A petits pas. Insidieusement. Or, avec la compassion, c'est le bonheur de vivre qui s'en va. Disons même la gaieté.
Nos rires deviennent tristes. Notre sérieux est navrant. Nos prudences sont moroses. Nos "fêtes" sont sans lendemain. Nos plaisirs sont boulimiques et plutôt enfantins. Tout se passe comme si la frénésie jouisseuse de l'époque cachait une sécheresse de cœur et une stérilité de l'esprit.
La gaieté véritable, celle que nous sommes en train de perdre, c'est celle de l'aube, des printemps, des projets. Elle se caractérise par une impatience du lendemain, par des rêves de fondation, par des curiosités ou des colères véritables : celles qui nous "engagent".
Cette vitalité joyeuse ne doit pas être abandonnée à la contrebande des amuseurs médiatiques ou des clowns politiciens."

Paroles partagées par Jean-Claude Guillebaud en conférence en 2015 à Briec-de-l'Odet (29).