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Vers un catholicisme politique ?

1017014_dagens-300x225Qu’est-ce qui construit un peuple ? Et qu’est-ce qui le détruit ? Qu’est-ce qui donne à notre conscience nationale des raisons de s’exercer non pas pour ressasser ses peurs, mais pour faire face à ces immenses métamorphoses qui atteignent notre terre entière… . L’évêque d’Angoulême, Claude Dagens, pose cette question et propose des éléments de réponse.
Ne nous invite-t-il pas à la lucidité pour ne pas se laisser piéger par certains courants et lobbys cathos face à ce qui se passe dans notre société ? Un article pour lequel il faut prendre le temps de le lire… C’est une réflexion  parue dans le journal La Croix du 19-20 Septembre 2015.

Parfois, je me demande qui sont « ceux qui, dans le monde actuel, se préoccupent vraiment de générer des processus qui construisent un peuple, plutôt que d’obtenir des résultats immédiats qui produisent une rente politique facile, rapide et éphémère, mais qui ne construisent pas la plénitude humaine. » (Evangelii gaudium , n° 24.)
Cette réflexion critique du pape François vaut sans doute pour beaucoup de pays du monde, et aussi, dans les circonstances actuelles, pour la France. Parce que notre seul horizon politique, ce sont les élections, d’abord régionales, puis présidentielles, et parce que ces élections sont conçues comme des courses de chevaux, avec des écuries où se préparent les concurrents à venir.
Cette perception réaliste de la politique explique les réactions multiples de scepticisme et de désenchantement de la part des électeurs, dont beaucoup envisagent de s’abstenir. Et, pourtant, cette situation confuse peut aussi susciter des passions, surtout lorsque les convictions et les appartenances religieuses se mêlent à la complexité des rapports de forces politiques.
Avec d’autres observateurs, je m’inquiète de plus en plus de la façon dont les catholiques sont de moins en moins préparés à exercer leur jugement dans ces domaines si importants pour notre vie et notre avenir communs.

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Ou, plutôt, je constate que, depuis quelques années, pour des raisons qui peuvent se comprendre et qui sont liées les unes aux autres, la présence des catholiques en politique s’exerce d’une manière de plus en plus désordonnée, en étant livrée à des initiatives ou à des prises de position individuelles, avec le souci réel mais souvent improvisé de se manifester sur la place publique et de refuser ainsi le rejet habituel des convictions religieuses dans le domaine privé.
On doit reconnaître le bien-fondé de cette attitude qui s’oppose à un laïcisme de plus en plus intransigeant qui s’exerce comme une idéologie antireligieuse, d’abord par rapport aux musulmans, soupçonnés d’être inaptes à la vie démocratique. Mais cette intransigeance s’applique aussi à la tradition chrétienne en général et à l’Église catholique en particulier.
De sorte que des catholiques d’aujourd’hui sont portés à réagir en se référant aux catégories d’un catholicisme enclin à n’évaluer son importance qu’à partir de la place qu’il tient ou qu’il peut tenir dans les rapports de forces politiques. Il s’agit alors, comme le dit aussi le pape François, « d’occuper des espaces de pouvoir », sans ignorer que cette stratégie sera liée à nos calendriers électoraux et, par conséquent, aux tactiques des candidats et des groupes de pression qui se réjouissent ainsi de pouvoir exercer leur séduction sur le « monde catholique » .
D’autant plus que le pluralisme, que l’Église catholique accepte et reconnaît en son sein, est inséparable de la situation de notre société, où les incertitudes et les peurs se multiplient. Si bien que des catholiques participent à leur manière à ces peurs et sont plus facilement portés à se rallier à ceux et à celles qui font usage de ces peurs pour vanter leur souci de « défendre » notre civilisation qui serait, à leurs yeux, menacée par des inconnus venus d’ailleurs.
Qu’est-ce qui construit un peuple ? Et qu’est-ce qui le détruit ? Qu’est-ce qui donne à notre conscience nationale des raisons de s’exercer non pas pour ressasser ses peurs, mais pour faire face à ces immenses métamorphoses qui atteignent notre terre entière, qu’il s’agisse des dérives irrationnelles des marchés, des violences terroristes, des dégradations de l’environnement et surtout de l’aggravation évidente de la pauvreté avec les multiples formes de précarité qui l’accompagnent ?
Si le catholicisme ne se situait plus que dans ce cadre des rapports des forces et des jeux politiques, il ne serait plus digne de cette inspiration puisée dans l’Évangile qui nous demande d’être, chacun à sa manière et à sa mesure, des signes de la Charité du Christ.
Le risque est grand de cultiver alors l’illusion de retrouver notre place dans une société sécularisée en faisant des catholiques un groupe de pression parmi d’autres que certains courtiseraient et que d’autres combattraient. « Catholique » est un mot de grande portée. Il fait appel à la totalité de Dieu, au cœur de Dieu qui ne se lasse pas de s’ouvrir à tous et à chacun. Un grand travail de ressaisissement nous attend si nous ne voulons pas constituer des blocs catholiques en concurrence les uns avec les autres et plus ou moins manipulés par des forces politiques, mais pour inscrire la force de l’Évangile au sein même de ce qui risque de diviser, de démoraliser et de détruire notre peuple. Oui, de détruire, car, derrière des discours séducteurs, circule ici ou là une culture de la revanche, et même de la haine.
Face à ces tentations, il ne faut pas rêver, il faut résister, avec persévérance, tout en favorisant des processus de confiance, qui engendrent des dynamismes nouveaux, comme le pape François le dit et le souhaite.
Pour rappel, en 2014, Mgr Dagens affirmait dans « Témoignage chrétien » après l’annulation de la conférence de Florence Brugère :
« Nous sommes en pleine guérilla idéologique et je me refuse à y rentrer. Comme je dis non aux discours sociologisants qui réduisent à rien le christianisme, je récuse l’instrumentalisation idéologique d’un catholicisme qui n’est pas vraiment chrétien… Deux interprétations du christianisme se font face : – Soit Dieu est l’anti-mal et le camp du bien fait la guerre au camp du diable ; et Dieu est plus le dictateur suprême que le père de l’enfant prodigue. – Soit nous croyons que Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui (Jn 3, 17). Avec certains qui se réclament d’un catholicisme dur, implacable, intransigeant, nous n’avons pas le même Dieu. Il faudra nous l’avouer.
(…) On ne doit jamais plier devant une logique de terreur. » Découvrir le blog de mgr Claude Dagens

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Tenter de trouver avec notre prochain un terrain commun d’humanité
« Puissions-nous en ces moments entendre l’invitation de Dieu à prendre soin de ce monde, à en faire, là où nous vivons, un monde plus chaleureux, plus humain, plus fraternel. Un temps de rencontre, avec des proches, des amis : un moment pour prendre le temps de vivre quelque chose ensemble. Un moment pour être attentif aux autres, quels qu’ils soient. Un temps de partage de notre amitié, de notre joie. [...] Un temps de prière, aussi : attentifs à ce qui se passera dans notre monde à ce moment- là. Prions pour ceux qui en ont le plus besoin, pour la paix, pour un meilleur vivre-ensemble. »
Père Jacques Hamel
dans le bulletin paroissial de l’église Saint-Étienne, en juin, avant son assassinat
La compassion est en train de quitter notre monde

" "A ceux qui se demandent quel sorte de manque ronge silencieusement nos sociétés, il faut répondre : la compassion. Cette sollicitude spontanée que les bouddhistes appellent la maitrise et qui est assez proche, au fond, de l'agapê des chrétiens.
Aujourd'hui, on a beau prendre la réalité contemporaine par tous les bouts, une évidence crève les yeux : la compassion est en train de quitter notre monde. A petits pas. Insidieusement. Or, avec la compassion, c'est le bonheur de vivre qui s'en va. Disons même la gaieté.
Nos rires deviennent tristes. Notre sérieux est navrant. Nos prudences sont moroses. Nos "fêtes" sont sans lendemain. Nos plaisirs sont boulimiques et plutôt enfantins. Tout se passe comme si la frénésie jouisseuse de l'époque cachait une sécheresse de cœur et une stérilité de l'esprit.
La gaieté véritable, celle que nous sommes en train de perdre, c'est celle de l'aube, des printemps, des projets. Elle se caractérise par une impatience du lendemain, par des rêves de fondation, par des curiosités ou des colères véritables : celles qui nous "engagent".
Cette vitalité joyeuse ne doit pas être abandonnée à la contrebande des amuseurs médiatiques ou des clowns politiciens."

Paroles partagées par Jean-Claude Guillebaud en conférence en 2015 à Briec-de-l'Odet (29).